WikiCM, le blog du pôle d'expertise en éducation à la citoyenneté mondiale

Re création

Ateliers_écriture

Fragments choisis, écrits par les participant‧e‧s lors de nos ateliers d’écriture « Re création » en lien avec l’éducation à la citoyenneté mondiale.

Ces textes sont lus par Ève Jadot.

Les ateliers sont animés par Nora Gosse et Ève Jadot.

Chaque mercredi du mois de mai 2021, nous en posterons des nouveaux.

« Quand on réfléchit à tout ce qui est dit ici
On en arrive à penser à reculons
Afin d’encore affiner
Comme pour mieux l’affirmer
Le meilleur de ce que nous ne savons pas encore »
© M’sieur13 (^_-) 08/02/21


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Retrouvez les textes écrits ici

Je suis un corps sauvage dans la nature, je suis minuscule, à peine une poussière, même pas un grain ; 

Je suis un corps sauvage dans la nature et je hurle la vie et je danse la mort, inutile particule, silencieux mouvement ; 

Je suis un corps sauvage dans la nature, sans sexe, sans visage, juste un puits de chaleur, une clameur folle, une odeur de sueur ; 

Je suis un corps sauvage dans la nature, sur le sol brûlant je rampe et je m’agrippe, je susurre à la terre des poèmes incertains dans une langue que je ne connais plus ; 

Je suis un corps sauvage dans la nature qui s’érode et qui s’effrite et qu’on oublie souvent, et qu’on oublie toujours, et qui renait parfois, quand l’orgasme le prend ; 

Je suis un corps sauvage dans la nature et je cours vers la fin comme court un enfant, d’une confiance folle et d’un pas imprudent. 

Marie

Tu n’as pas connu la guerre. Tu es né juste après. Moi, ton petit fils, je suis là pour te dire « non, ça ne va pas. Il faut que tu arrêtes tout cela ». Exploitation, capitalisation, globalisation, mondialisation, déshumanisation… moi, je n’en veux pas de ces mots-là. 

Je ne veux pas de ton monde de mammouths. Tu as tout détruit, je veux tout reconstruire. Y en a marre de ces multinationales aux multiples visages qui exploitent des ouvriers et des travailleurs sans visages. 

Laisse-moi respirer, laisse-moi sortir de ce système et faire de ce monde, un monde où à nouveau la nature et moi sommes libres, autonomes et unis.  

Allez, ouvre les yeux aussi papy. Fais-moi ce cadeau et répand la bonne nouvelle autour de toi. 

Laurence

Nous dansons ensemble, vibrantes de plaisir, hurlantes de nos passés, liées par nos mains, hululant à la nuit nos terribles secrets. Nos hontes éviscérées perdent de leur superbe, et la lune les regarde et elle les prend de haut.  

Nous déchirons nos corps pour mieux caresser nos cœurs, les soulager enfin d’être né pas avec, pas avec mais bien sans. 

Nous faisons disparaître les dernières traces de ce qui fût un jour un genre différent, massacrant sans vergogne jusqu’au dernier souvenir. 
Nous roulant dans la boue lumineuse d’un néant nouveau magnifique et absolu. 

Emouvant paysage que celui de nous-mêmes,  
Libérées de nos chaînes, 
Imaginant demain, 
Comme on peint une toile encore vierge.  

Marie

Nous marchons dans le tunnel qui conduit à la grande tour. Il avait été creusé pendant la guerre par les résistants qui l’avaient investi au nez et à la barbe des milices armées.
La tour semblait prête à s’effondrer et les portes et fenêtres avaient été scellées. Eugène et moi marchons lentement dans l’obscurité jusqu’à ce que nous arrivions dans l’antre même de la tour. Nous sommes en bas et ne pouvons retenir notre regard qui s’élève vers le sommet, si haut qu’on dirait un ciel lunaire.
Nous apprivoisons ces lieux et commençons à gravir lentement les marches qui serpentent le long de la paroi. En montant, le vertige nous prend. Collés contre la paroi humide du mur, loin de la rambarde branlante, nous nous sentons attirés par le vide central et nous retenons notre souffle en nous tenant très fort les mains.
Et plus nous regardons, plus nous voyons  « Mon Dieu… Le monde ! » Oui ? « tu te souviens de… » « hé bien parles ! » Zut, j’ai oublié.

BenH

Tu es un maillon du système  
Celui qui te fige et te fais horreur  
L’impuissance te paralyse et te cloue au sol  

Et tu ne fais que penser  
Pensée centripède,   
prête à prendre la tangente  

Tu es un maillon du système  
Tu fais qu’il tient ensemble  
Oui, tu peux l’influer  
Il te suffit de ne plus jouer son jeu  

Marquer un stop, agir autrement  
Non, tu ne pourras tout changer d’un coup  
Il te faudra y aller à pas de loup

Et te rallier à d’autres nous  
Tu es un maillon du système 
Tu peux dire oui si je veux  
Et non à chaque fois que tu le peux 
Freiner des quatre fers  
Finir d’auditionner ces vendeurs de rêves  
Et ne plus plébisciter les publicitaires  

Faire taire leurs mensonges,   
Ne plus se prendre à leurs pièges .

BenH

Elles auront des oiseaux dans les yeux et des poissons dans la gorge, 

Des torrents au bout des mains, 
Une langue comme une montagne, 
Qui tanguera et chavirera au fil des chansons . 

Des racines qui s’envoleront jusqu’au ciel pour danser avec le vent, 
Des cavités comme des terriers qu’elles seules pourront visiter. 

Des pieds qui rient, comme des maisons arc-en-ciel, mais pas de maisons qui cachent le soleil. 

Des dents étincelantes, qui, depuis longtemps, n’auront plus peur de mordre. 

Elles auront des voix sourdes et profondes, qui gronderont telles des cascades souterraines, 

Elles n’auront plus de secrets qui pourrissent sous leurs chaines. 

Le froid et la neige auront durci leur peau, 
Et leur carapace, douce comme une pluie de printemps, ne se laissera caresser que quand elles l’auront décidé. 

Leurs âmes s’uniront avec la terre entière, et elle n’oublieront plus que toutes forment un tout, une unique matière, indissociable esprit, magnifique mystère. 

Marie

Tu es immobile 
comme l’eau douce 
de source 

Immobilisée 
privée des langues 
dansantes 
des vaches 
des brebis 
que tu entendais 
rire, courir, vivre 
et te laper 
en haut, 
dans le pré, 
juste au-dessus 
de ton flux 

 Tu es immobile, 
immobilisée, 
happée, 
chipée, 
pompée, 
embouteillée 
frigidifiée 
mortifiée 

Avant de te noyer 
dans ta propre flaque 
dans ta fuite d’eau 
métamorphosée 
de flux à bouteille 
tu es sidérée 
tu ne vibres plus 
tu n’entends plus 
les animaux te chercher 
te humer te laper 
 ils s’en sont allés 
le prix mortifère 
de l’eau achetée 
pour les abreuver 
les a achevés 
eux, leurs gardiens 

 Tu es immobile 
immobilisée 
et je pleure 
de te savoir 
esseulée, dévivifiée 
en référence aux eaux produites par un grand groupe alimentaire, je ne sais plus lequel, un groupe suisse, Danone je crois… sais plus 
ceux qui produisent Evian, 
qui ont créé la perte de troupeaux entiers et de bergers en refusant 
l’accès à l’eau de source qui traverse les prés. 

Chantal

Oui Nous ne sommes que la somme de ce que nous sommes Mais Si nous nous superposons Nous pouvons peut-être voir plus haut que là où nous en sommes restés A faire Ou à défaire A nos petites affaires Si nous avons peur de tomber Pourquoi ne pas nous lier davantage Nous mélanger Nous malaxer presque Jusqu’à renaître Un Quasi divin Pourquoi encore passer tout ce temps à chercher ce qui nous a déjà trouvé ? Chaque action que nous posons a des répercussions instantanées A nous de faire en sorte De prendre le temps pour qu’elles résonnent Au plus profond En chacun de nous Pour nous réchauffer le coeur Nos corps en harmonie Au diapason Avec tous ces petits bouts de petits riens du tout Qui ne sont que la somme de petits bouts de nous Un voyage intérieur Entre distance et légèreté Conscience et spontanéité Incognito

© M’sieur13 

Tu es immobile comme le mammouth qui a la puissance du colibri,
Tu es immobile comme ce gardien du temple des lois immuables,
Tu es immobile comme… tu te trompes car ce n’est pas à toi seul·e qu’incombe de changer le monde. Avec ou sans toi, le monde change…en bien ou en mal.

– Laurence

Tu es immobile comme un homme banc cisgenre modéré qui se dit qu’on est quand même -pas si mal ici, alors qu’est-ce qu’ils ont les autres à toujours se plaindre ?

Tu es immobile comme une aiguille arrêtée sur le Un de la montre de ton arrière-grand-mère 

Cachée au fond d’une boite de pelotes de laine qui prennent la poussière,

Tu es immobile comme un bichon empaillé par ses maîtres et installés dans le salon, sur le rebord de la cheminée.

Tu es immobile comme une voiture télécommandée dont on a perdu les manettes.

Si tu me dis que toi, aujourd’hui, demain, tu peux regarder ton gamin en face et lui dire « Je savais, je savais mais je n’ai rien fait, je savais et j’ai laissé faire »,

Si tu me dis que toi, demain, tu peux le regarder, ton gamin, dans son lit d’hôpital, crevant de l’air qu’il respire et que tu peux lui dire « Oh, tu sais, y en a qui vive moins bien que nous, au moins, on a une mutuelle »,

Si tu arrives à vivre avec des œillères au point qu’elles soient incrustées dans ta peau et que le soir personne ne te dérange quand affalé dans ton fauteuil tu te laisses bercer par l’idée nauséeuse que t’as fait ton boulot, ta journée, ton métier,

Si tu te dis tant pis, faut bien vivre après tout,

pis c’est pas not’faute, hein,

mais c’est ceux avant nous !

On peut quand même pas endosser toute la misère du monde.

On y peut rien nous, si chez eux, c’est immonde.

Pis j’y suis allé moi, là-bas, j’vois pas de quoi y s’plaigne. 

Si tu te dis plus rien,

que tu baisses les bras,

Que tu bouffes leur merde en leur disant merci,

Alors reste sans moi,

Parce que moi j’avance, avec ou sans toi,

Mais entouré de tant d’autres que même si on y arrive pas,

on aura pas eu peur,

on aura essayé,

Et dans leurs si grands yeux on verra nos reflets, et nous serons beaux, et nous serons vivants. 

– Marie

Tu es puissante
Tu choisis la pomme.

Aujourd’hui tu as choisi la pomme rouge et verte bien de là ou plutôt d’ici d’un verger presque voisin.
Aujourd’hui tu as aux joues le rose des framboises et aux lèvres presque le mauve des myrtilles.

Il fait blanc au jardin

Tu as choisi la pomme. Tu te relèches les babines en t’imbibant de l’odeur puissante de la pomme cuite, à cannelle…

Tu vas t’en compoter la bouche.
Ta pomme, c’est toi a a a
Tu ne seras pas la bonne poire ce soir.
Ta pomme, c’est toi a a a

Tu t’attrapes par la queue et tu danses, tu virevoltes
Tu t’attrapes à pleine main
tu te souviens de ces autres pommes d’août vues grandir en ton jardin
même sensation

Ta pomme danse dans ta paume,
tu lui écris un psaume
Ta pomme est à craquer
des allumettes pour un feu

Ta pomme est à croquer, toutes incisives dehors
Tu n’es pas la bonne poire ce soir,
Ta pomme, c’est toi a a a  

– Chantal

Tu es la bouche émissaire
Tu es puissant
Le singe sans poil et savant
Savant ou sachant ?

Tout cela dépend de toi
De ta puissance
De ton aisance
De ta prestance
Du comment tu t’y prends
Lorsque tu t’éprends
A même l’absence

Tu es puissant
Arrête de prendre les cons pour des gens !
Pour la forme
Et quitte à te poser des questions
Aies au moins l’aisance d’aller toucher le fond
Tout le reste n’est que pure perte de temps

Si tu es si puissance
Alors sois d’abord comme tout-un-chacun
Car il n’y a rien de plus puissant que le sens commun
Pour tout ce qui touche de près ou de loin
Et tourne autour du sentiment humain
 
– M’sieur13

Le monde a changé de sens, il ne tourne plus de la même façon, le soleil se lève au sud et les oiseaux migrateurs voyagent toujours mais sans plus de repères.

Ils volent à tire d’ailes, cherchant leur terre cyclique. Mais les saisons n’ont plus cours et les repères ont disparus.

La terre souffle le chaud très chaud et le froid polaire, elle ne connait plus le milieu. L’océan tampon s’est évaporés et se déluge dans les villes. L’histoire tourne et prend des relents  d’Atlantide, réminiscence d’un cycle infernal qui voit collapser de si grandes civilisations.

Que n’ont-elles pas compris pour laisser ses oiseaux migrateurs voler jusqu’à l’épuisement loin de leur terre promise. Qu’ont-ils oublié d’écouter, que n’ont-ils su entendre ou voir ? une expérience qui montre ses limites, un apprentissage qui ne s’est pas fait, un reset, un départ à zéro ?

Le monde ne tourne plus rond, l’anthropocène est passé par là, il en a changé le cours. 

– BenH

Je suis le fils du béton
Des graffitis décolorés
Tout ici me renvoie à la fêlure
Au métal
A la frêle soudure
Aux gratte-ciels démesurés
Hors du squat
Rien qu’une décharge
Ornée de l’or félin fait main
D’un ailleurs aux mille senteurs
A jamais enterré à même les cieux
Jusque dans les creux des cœurs
Ici tout n’est que bruit blanc
Sur nuits noires jugulées par le couvre-feu
Et les visages effacés se succèdent
Trop-plein
Trop de monde
Pour savoir vraiment à qui et comment
Pouvoir venir en aide
En revenir au moi brut
Redevenir moi

– M’sieur13

J’imagine une mare, et aussi des rivières. De l’eau, beaucoup. Grouillantes et vivantes, ondulantes et bondissantes. Des cascades ruisselantes. Des étendues d’arbres, diverses et magnifiques, nées il y a tant d’années qu’on ne peut les compter.
Une terre fertile, une forêt nourricière, des animaux sereins qui n’ont pas besoin de se méfier de nous.
Des rires d’enfants, par millier, des galops de chevaux, qui ne sont pas montés.
Des mains sales et rugueuses d’avoir travaillé.
Des veillées de chants autour d’un feu commun, les chants de nos grands-mères et des leurs, ceux que l’on s’offre, comme le plus beau des héritages.
Des corps qui s’aiment sans jamais se forcer, des cœurs qui osent, qui parlent et qui écoutent et partout, tout autour, de la réciprocité.
Des adieux émouvants, des fêtes interminables, des racines dans la terre et dans les étoiles.
Le mouvement de la lune comme infinie balade, des cercles de femmes qui se donnent la main.

– Marie

Je suis un corps sauvage dans la nature
Naturellement pluriel
Singulièrement bercé par les coups
Fins de la Vie
Je suis pulsations
Je suis percussions
Je suis un ensemble infini
De poings détendus
Jusqu’au bout des doigts
Je suis poussière
Je suis lumière
Je suis la terre
Et de par ma nature
Je sais qui je ne suis pas
Car depuis trop longtemps
Je suis parti loin
Lassé d’être enlacé
Dans les bras du Lac Turkana

– M’sieur13

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