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Retour d’expérience sur « Questions vives »

« Questions vives » est un nouveau dispositif permettant aux enseignant·e·s du secondaire de recevoir dans leur boîte mail, en 36 heures, une fiche pédagogique permettant de se saisir des questions d’actualité vive pour amener leurs élèves à prendre du recul et mener un débat sur le sujet. Au-delà des émotions qu’ils suscitent et des connaissances à mobiliser pour les comprendre, ces faits d’actualité posent aussi des questions sur les valeurs que défend une société.

Claire, professeur d’histoire à l’Athénée royal Uccle 1, a testé le dispositif en classe et nous en parle.

Cela fait 20 ans que j’enseigne l’histoire à des élèves de la 4e à la 6e secondaire. J’utilise souvent les faits d’actualité pour commencer un chapitre comme accroche à ma leçon. Les faits d’actualité permettent alors aux élèves d’établir des liens entre faits historiques enseignés en classe et faits présents, conséquences souvent très lointaines des événements expliqués au cours.

Quand il m’a été proposé de tester en classe les séquences de « questions vives », cela a attisé ma curiosité et m’a également interrogée sur la manière dont je pourrais exploiter ses sujets. Mon dévolu s’est jeté sur les fiches sur « Les conséquences du décès de Georges Floyd ».

Le timing proposé pour l’activité est une quinzaine de minutes en fin d’heure de cours afin de ne pas interférer de trop dans le programme scolaire chargé. En ce qui me concerne, je n’ai pas regardé ma montre et j’ai commencé la leçon par la séquence proposée par « questions vives ». Mon idée était, par ce biais, d’aborder par la suite la ségrégation raciale aux Etats-Unis ainsi que les élections américaines et le vote des minorités ethniques. Cela a nécessité une préparation supplémentaire pour accompagner le débat. J’ai ainsi recherché le code de déontologie de la police en Belgique pour aborder la question des missions et devoirs des policiers. De même, j’avais prévu sur mon PPT en support du débat de reprendre les définitions de « discrimination, stéréotypes et préjugés ». J’ai tenté l’expérience de questions vives avec deux classes, une de 5e et une de 6e secondaire. Les résultats sont très intéressants.

Le débat a été fluide et enrichissant pour tous et toutes. Les réponses aux questions ne nécessitant pas spécialement de grandes connaissances sur le sujet ont permis à tous les élèves d’exprimer leur point de vue sans complexe, soit en ajoutant des éléments de réponses aux propos, soit en apportant une nouvelle hypothèse ou interrogation. Mon rôle à tantôt été celui d’animatrice en rebondissant sur des idées pour poursuivre leurs réflexions, tantôt de spectatrice-médiatrice des échanges et tantôt de professeure d’histoire qui resitue ou clarifie le contexte des événements auquel les élèves font allusion (par exemple : la traite transatlantique, la guerre de sécession, …).

Les interventions des élèves étaient libres et respectueuses des dires de chacun. 

Sur les conséquences du décès de Georges Floyd, mes élèves ont tous relevé que le racisme n’était pas inné et que donc il était inculqué par les parents ou les groupes que l’on peut fréquenter. Certains ont parlé de mauvaises expériences qui conduisent à la peur de l’Autre.

Mes élèves ont, de ce fait, établi le lien avec le comportement de certains policiers (sic) dont les actions sont guidées par les préjugés et stéréotypes qu’ils ont vis-à-vis des personnes qu’ils interpellent et amènent à des discriminations et des injustices. Pour certains élèves leur mission première est de faire respecter l’ordre, pour d’autres d’assurer la sécurité des citoyens. Pour d’autres encore, les personnes qui décident un jour de devenir policier le font pour l’adrénaline, l’action, le pouvoir ou le sentiment de puissance et non pour aider la population ou assurer sa sécurité. Ce constat leur vient des propos tenus par des enfants qui veulent devenir policier plus tard … « avoir une arme, poursuivre les méchants, arrestations musclées … » et aussi de la manière dont la fonction est présentée dans les films où certains policiers sont présentés comme des justiciers au grand cœur mais hors-la-loi.

Quant au décès de George Floyd en lui-même et ses conséquences, pour tous, les policiers ont utilisé de manière disproportionnée la force et ont ôté la vie à un être humain. Ils se sont octroyés un droit de vie ou de mort qu’ils n’ont pas.

Par ailleurs, certains disent aussi que l’erreur est humaine et que certaines bavures policières en sont des exemples, mais que la répétition des faits de violence injustifiée et disproportionnée par un policier est, par contre inacceptable et criminelle.  Pour l’ensemble de la classe, il n’est pas surprenant qu’il y ait eu autant de manifestations et que ce drame ait touché des citoyens dans le monde car on parle ici de la mort injuste d’un être humain et « nous sommes tous et toutes des êtres humains. Un point c’est tout et il ne faut pas chercher les différences. (Sic) » et qu’à ce titre, il est normal d’être solidaire avec les personnes victimes de discriminations quelles qu’elles soient (LGBTQI, raciste, sexiste …) et de se battre pour l’obtention de leurs droits. Certains racontent brièvement leurs expériences de manifestations pour l’accueil des migrants, à la gay Pride etc. alors que cela ne les touche pas personnellement.

Nous sommes tous et toutes des êtres humains. Un point c’est tout et il ne faut pas chercher les différences. « 

En conclusion, c’est une très belle expérience car elle a permis à mes élèves de s’exprimer sans complexe sur ce sujet d’actualité et pour ma part, j’ai (re)découvert mes élèves au travers de leurs interventions et ils m’ont donné de nouvelles clés de compréhension de leurs engagements mais aussi de leur perception de la société et du monde. La professeure d’histoire est aussi heureuse car cette séquence d’accroche a très bien fonctionné.

Pour finir, je pense, d’une part, que les fiches fournies sont complètes (même si ici le lieu n’est pas mentionné), factuelles et donc objectives. Les propositions de questions de réflexion complétées par des informations sont également pertinentes et un soutien réel à l’enseignant. D’autre part, il me semble que ce type de séquence pourrait être exploité dans tous les cours de sciences humaines (citoyenneté, histoire, français, langues étrangères, …) soit pour le débat qu’elle suscite, soit en l’intégrant dans le contenu d’une leçon. Les thèmes proposés intéressent les élèves qui de ce fait s’expriment facilement. Il faut, je pense en tenir compte dans la gestion du débat tant dans le contenu que dans le timing. J’ai apprécié pour ma part la liberté d’exploiter les fiches comme je le souhaitait en décidant de compléter la séquence par des informations conceptuelles ou de me laisser guider par les propositions de questions.

Belle vie à questions vives !

Pour vous inscrire au dispositif : www.questionsvives.be

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