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Black Lives Matter : pour plus de citoyenneté !

cc Johnny Silvercloud

Depuis la mort de Georges Floyd  le 25 mai 2020, le monde s’est embrasé sur fond du slogan ‘Black lives matter’ (BLM). L’Europe n’a pas échappé aux manifestations de ses populations qui réclament plus de justice, de contrôle des actions policières, et surtout, l’égalité entre les hommes. Beaucoup de passions et de discussions se sont invitées sur la place publique aussi, parfois avec véhémence, force et fracas. Les opinions s’entrechoquent sur différents sujets : faut-il décoloniser l’espace public et déboulonner les statues des grandes figures du colonialisme, réformer les institutions policières, s’attaquer au racisme ordinaire, dénoncer le racisme structurel et exposer le fait que les privilèges des uns sont soutenus par la misère des autres, s’en tenir à un universalisme républicain qui ne veut voir que des citoyens là où le réel nous a prouvé qu’il existe en fait des individus et des communautés stigmatisées et opprimées sur base de la couleur de leur peau ?

Malheureusement, toutes ces passions cachent peut-être la profondeur politique de ce moment que nous sommes en train de vivre, et qui voit des populations marginalisées, effacées de l’histoire officielle, se réunir pour faire entendre leurs voix, revendiquer l’espace public et de ce fait, se positionner comme citoyens. Cela doit nous rappeler que l’histoire de la citoyenneté est une longue suite de combats qui ont vu des groupes dominés et exclus lutter pour réintégrer l’être politique et revendiquer le droit d’être visibles, d’être là, de compter, d’être reconnus comme des membres égaux de la communauté et de prendre part au débat public.

Peut-être avait-on oublié que la citoyenneté, et donc les critères qui définissent les groupes, les idées, les valeurs, les points de vue sur le monde qui ont droit de cité, reflète toujours la position des vainqueurs, des dominants. Le BLM vient questionner cette conception dominante du citoyen, la rationalité et les termes du débat public tels qu’ils ont été posés dans nos sociétés, les valeurs sur lesquelles nous avons construit notre vivre-ensemble. Ce faisant, il fait des dominés, des oubliés, des êtres politiques qui frappent à la porte de la citoyenneté pour revendiquer leur présence, et leur droit à être pleinement acteurs du débat public. L’histoire a prouvé à maintes reprises que la citoyenneté peut se réinventer, en fait, elle a toujours été un lieu de contestation.

L’avenir nous dira si les contestations actuelles sont le prémisse d’un changement structurel, ou si elles sont appelées à être noyées par des courants contraires. D’un point de vue personnel, je me réjouis de cette repolitisation de l’espace public, et de ce renouvellement de l’être citoyen, et j’espère que la profondeur politique et historique de ce moment que nous vivons ne sera pas effacée par la tempête des passions et des émotions. 

Cécile Giraud, experte ECM

crédit photo : Johnny Silvercloud

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